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De ferme en ferme ...

La ferme Blistin, Nico face à son destin…

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Vî Tiyou termine sa tournée des fermes toujours en exploitation dans notre village par une visite au 73 de la rue Matefosse chez Anne et Nicolas…

Cette grosse bâtisse inspirée du style « renaissance mosane » qui date probablement du XVIIème siècle, fait partie du patrimoine de la famille BLISTIN depuis le 23 février 1861, date à laquelle Madame la BARONNE DE MOFFARTS, née LESOINNE, l'avait vendue à LOUIS BLIST(A)IN, premier époux de JEANNE SIMONIS… En 1869, la famille BLISTIN put racheter le chemin communal qui menait à la ferme.

En 1900, c'est LAURENT BLISTIN (époux de CATHERINE RASSENFOSSE) qui hérita de la propriété pour la transmettre plus tard à son fils LOUIS BLISTIN (époux de LEA HENRY).

Après lui, notre LEON BLISTIN (époux de NICOLE ANCION) devient le maître des lieux et fait construire en 1975 le bungalow en contrebas qu'il occupe toujours actuellement depuis 1980. Nicole et Léon ont élevé trois enfants : Marie-Louise, Nicolas et Michel. C'est NICOLAS BLISTIN qui a repris le flambeau depuis 1989.

Curieusement, après 4 générations de BLISTIN propriétaires de la ferme, Nicolas est le premier du nom à en habiter les murs… En effet, la famille BLISTIN étant originaire de la Xhavée à Wandre, c'est une succession de locataires qui occupèrent l'enceinte de la ferme jusqu'en 2000.

Parmi eux, citons en premier PASCAL ETIENNE qui fut notre Bourgmestre et qui logea là jusqu'en 1936 (décédé en 1945, on peut voir sa tombe au cimetière de Tignée). En second, Madame RITA LEJEUNE** occupa la ferme, qu'elle baptisait « son petit musée ».

Cette dame érudite était la maman de JEAN-MAURICE DEHOUSSE lequel fut, entre autres postes à hautes responsabilités, bourgmestre de Liège de 1995 à 1999. Jean-Maurice qui s'installa plus tard à Evegnée aussi, presque en face, tout en bas de la rue du Moulin avec son épouse AGNES DENIS.

Quand on arrive dans l'enceinte de la ferme après avoir monté le chemin privé qui y conduit, on est tout de suite saisi par le calme qui y règne, même à l'heure de la traite des 60 vaches qui attendent patiemment leur tour… c'est que ces dames ne passent à la trayeuse qu'à 12 à la fois… Ce qui étonne aussi c'est le grand espace sans voisins qui entoure la propriété, surplombant la rue Matefosse d'un côté, et de l'autre, encaissée sous les vastes étendues de vertes prairies menant en pente assez vallonnée ou même tantôt raide à Miermont…

A propos de calme en cet endroit, nous avons trouvé un document de 1845 qui relatait un procès verbal dressé au cours d'un « Peltetch* » qui, d'après nos recherches sur le plan Popp, a probablement du se dérouler autour de la ferme, alors qu'elle n'était pas encore « propriété Blistin » :

« L'an 1845, le douze du mois de novembre, vers huit à neuf heures du soir, nous, bourgmestre de la commune d'Evegnée ayant été informé qu'un « charivari* » avait lieu au hameau des Waides dépendant de cette commune au sujet d'un futur mariage nous sommes transportés sur le lieu, et là, après avoir entendu en effet des bruits confus en claquements de fouets, sons de pochons et de corne, avons reconnu pour être les auteurs ou complices de ces bruits les nommés :

  1. Joseph Degueldre, couvreur
  2. Louis Frank, fils de Simon, Meunier
  3. Henri Frank, fils de même, domicilié en cette commune,
  4. Pascal Frank, fils de Jean-Simon, Meunier
  5. Simon Frank, fils du même, domicilié en la commune de Tignée

Attendu que ces faits constituent l'action des bruits nocturnes troublant la tranquillité des habitants et qu'ils donnent lieu à l'application contre leurs auteurs et complices de la peine commentés par les articles 479 et 480 du code pénal, avons dressé le présent procès-verbal. Le Bourgmestre Lovenfosse ».

NICOLAS BLISTIN et ANNE GASPAR se sont installés à la ferme en 2000. Il y a trois enfants qui grandissent au sein de cette famille recomposée : ALIZEE LES, 18 ans avec son frère ALEXIS LES, 13 ans et le petit dernier : TIM BLISTIN qui, du haut de ses 6 ans avoue avoir un penchant pour les animaux…

C'est justement ce qui enthousiasme Anne depuis qu'elle habite à la ferme, elle peut avoir autour d'elle toutes les petites et grosses bêtes qu'elle souhaite sans que ce soit un problème (à condition de surveiller toute poule qui s'égarerait parmi les ballots de paille et qu'on risquerait de retrouver toute séchée, des mois après l'avoir cherchée en vain...) Alizée a même son propre cheval, et un second qui tient compagnie à l'autre, afin que Nicolas sache monter de temps en temps également. Nicolas ne vit pas avec seulement la ferme en tête, il aime le sport (mini foot à Saive), les vacances (il fait parfois appel au service de remplacement pour la traite), la vie de famille (emmener les enfants à la piscine) et surtout : les sorties… Il parait qu'il ne rate aucune fête de village, au point qu'il est arrivé de le retrouver endormi « au petit matin de la veille » sur son tracteur…

Anne travaille à l'extérieur, elle est enseignante à Herstal et c'est elle qui gère seule la maison, les trois enfants, les navettes diverses pour les courses ou encore les activités parascolaires et autres. Le tout, en plus des devoirs relatifs à la préparation de sa journée de travail d'institutrice maternelle. Hormis son petit élevage de poules et canards d'agrément, elle ne s'occupe pas de l'exploitation agricole. Par contre, elle déborde, tout comme Nico, de bonnes idées et de projets nouveaux pour la restauration du corps de logis qu'elle aménage avec goût, mélangeant avec grand succès les styles contemporains et anciens dans des tons à la fois vifs et chaleureux comme le soleil.

Le domaine de Nicolas qui est très indépendant de caractère, c'est aussi tout le reste… Il n'accepte que l'aide précieuse venant de son Papa Léon Blistin qui, même à 74 ans, refuse la vie de pensionné-retraité. Pour Nico, c'est vraiment un plus, car il n'est pas facile de nos jours de combiner ferme et rentabilité. Tout est fort aléatoire dans ce métier, alors engager du personnel est devenu problématique quand on ne sait pas ce que les Eléments vont décider: il y a les maladies dans le cheptel, la météo, les fluctuations du prix du lait, sans compter la charge que représentent les investissements pour acheter des quotas laitiers, du matériel agricole ou prévoir des travaux pour des aménagements plus pratiques et plus modernes. La fierté de ce technicien agronome, c'est quand il arrive à boucler son budget et à produire lui-même ce dont il a besoin pour nourrir son cheptel de manière presque autarcique.

Nico gère aussi seul tous les côtés administratifs de l'exploitation, il faut maîtriser entre autres pas mal de dispositions légales relatives à la traçabilité du bétail, assorties d'inspections très sévères et pointues... Nico a 46 ans maintenant et est venu « sur le tard » à ce métier il y a 18 ans, mais il faut croire qu'il était tombé dedans quand il était petit, et c'est le cas de l'écrire, car, enfant, il avait comme jeu et passe temps de « faire du bateau » avec des ballots de paille flottant (pas longtemps…) sur le lisier dans une grande fosse à purin…

Nicolas n'est pas un syndicaliste et se plaint peu de son métier, il ne refuserait pas à l'un de ses enfants de le pratiquer s'il s'avérait qu'il ou elle avait un véritable goût et des aptitudes. Pour Nico et Anne, ce travail demande à l'agriculteur d'être tenace, courageux, d'avoir une très bonne santé et un excellent moral. Nicolas demande à son épouse d'être souple et tolérante pour s'adapter aux exigences pleines d'imprévus de la condition d'agriculteur, par exemple une bête subitement malade comme lors de cette épidémie de leucose qui a frappé une fois les deux tiers du cheptel…

Anne trouve aussi beaucoup d'avantages à cette vie même si pour elle toutes les journées peuvent parfois sembler les mêmes, rythmées des deux traites quotidiennes. Elle apprécie son environnement et l'espace dont elle peut disposer. Aucun projet n'est vraiment impossible, elle et Nico peuvent laisser aller leur imagination. Anne aime aussi savoir que Nico n'est jamais loin et toujours « sous la main » là, quelque part dans sa grande ferme… sauf la nuit, quand il joue au joyeux drille et au fêtard dans les kermesses des villages avoisinants et qu'elle ne l'accompagne pas… C'est qu'il a une fameuse santé notre Nico

*LI PELTETCH - LE CHARIVARI

Dans nos régions, quand une veuve ou un veuf se remarie avec une personne beaucoup moins âgée, ce mariage disproportionné est l'objet d'une manifestation bruyante, un charivari monstre qu'en wallon on nomme « li pèltètch » (du wallon « pèle » poêle à frire).

La manifestation s'organise en catimini et, dès le crépuscule, les participants se glissent furtivement derrière les haies ou des murs, et le tintamarre commence. Tout est bon pour faire du bruit : poêlons, seaux, marmites, trompettes, etc. Ce chahut assourdissant peut durer parfois plusieurs jours et il ne cessera que quand les époux se seront acquittés d'un droit ; en général en versant quelques verres de genièvre aux… « musiciens ».

A l'origine cette coutume était un rite religieux païen. Il avait pour but de chasser l'esprit du conjoint défunt afin de l'empêcher de troubler la paix du nouveau foyer. Le Christianisme n'est pas parvenu à déraciner cet ancien usage, il s'est transmis jusqu'à nous par le biais du folklore.

Rita Lejeune, une grande dame de 99 ans

IL Y A EXACTEMENT 99 ANS, ce 22 novembre, que naissait à Herstal une petite fille qui allait faire la joie de son père Jean Lejeune, poète wallon, connu sous le nom de Jean Lamoureux. Il a immortalisé cette joie dans l'émouvant poème «A m'Fèye» (A ma fille). Il est mort de la grippe espagnole en 1918. La petite Rita avait douze ans et son petit frère Jean en avait quatre. Tous les deux deviendront des historiens réputés et elle sera la mère de Françoise et Jean-Maurice Dehousse. En 1928, Rita Lejeune est docteur en philosophie et lettres de l'Université de Liège. Elle fait partie des premières femmes universitaires. A cette époque, aucune femme n'est encore professeur d'université. Marie Delcourt sera la première en 1929. On reste émerveillé devant l'immense culture de cette Liégeoise qui a tant fait pour l'histoire de sa ville, de sa région, pour l'histoire du Moyen Age et pour la littérature wallonne. Sa bibliographie est vertigineuse. Il y a quelques mois à peine, nous avons encore eu le plaisir de rendre compte de la publication de la dernière œuvre à laquelle elle venait tout juste de mettre le point final: la remarquable traduction d'une anthologie de la poésie lyrique en wallon. Bon anniversaire, Madame, et merci.

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