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La chapelle d’Évegnée … Mille ans d’histoire

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La première mention attestée de l’existence de la chapelle d’Evegnée est une charte de 1398 où l’on peut lire « nostre damme d’Evregneez ». L’édifice actuel date de 1695 comme l’atteste l’inscription du porche (H.G. 1695)

Mais vers l’an 1000 déjà, on venait vénérer dans une petite chapelle une des plus anciennes vierges du pays, une « sedes sapientiae » datée des environs de 1050.

Visitons ensemble l'extérieur de la chapelle ...

Avant d’entrer, remarquons l’enceinte de moellons et briques agrémentée de grilles en fer forgé.

Passons sous le portail en pierre surmontée d’un fronton cintré, reconstitution de celui du XIXe siècle. Nous nous trouvons alors dans la cour intérieure et le cimetière.

L’église Notre-Dame que tout le monde appelle « la chapelle » est construite en moellons et pierres du pays avec des cordons de tuffeau (1)

Cet édifice roman comporte une nef unique terminée par une abside à trois pans ; il est surmonté en façade, d’un clocher carré et trapu et précédé d’un porche couvert d’un toit en bâtière (2)

Dans le soubassement des murs extérieurs sont encastrées des croix funéraires dont la plupart datent du XVIIe siècle, avant la reconstruction de 1695.

Dans une croix (la première à droite) est taillée l’image de la vierge, fait très rare et qui atteste un culte particulier à Notre-Dame.

Le porche

A la clef du porche, sous la niche qui abrite une petite vierge, on peut lire H.G. 1695.

Ces initiales s’expliquent quand, à l’intérieur du porche, au-dessus de la grille d’entrée, on lit « Je suis rebâtie du temps de Henry Grailet, Mambourg l’an 1695 ». C’est en effet de cette époque que date l’édifie actuel.

Deux remarquables pierres tombales qui se trouvaient intégrées au pavement de la chapelle ont été dressées à l’intérieur du porche pour les soustraire à une lente dégradation par le frottement des pas.

Celle de gauche couvrait la sépulture de Barnabé de Fléron (décédé en 1675) et Marie Hariga (décédée en 1682)

Celle de droite, dite de Jean de Monfort (3) , date de 1531. Elle représente deux personnages, un homme armé et son épouse.

L’inscription qui l’entoure, ,devenue malheureusement presque illisible « chy giest Johan Bastin dits de Montfort qui trepassat l’an XV CXXXI en moys de october le XXV jour et damoissel Elisabet son espus qui trepassa l’a(n) XV … ».

Entrons dans la chapelle…

Franchissons la grille en fer forgé (style Louis XIV, vers 1925) et pénétrons sous le jubé.

Le plafond, imité de celui de la chapelle de Noblehaye à Bolland a été décoré par Y. Volders de Fléron (entre 1919 et 1925) de motifs végétaux soulignés de dorures.

Ce plafond est soutenu par deux colonnes cylindriques monolithiques dont les futs sont sculptés d’armoiries accompagnées d’un texte.

Sur celle de gauche, on peut lire « Lean-Louis Cleroz pasteur de Sereyxh » (=Cerexhe) :

Sur celle de droite : « Nicolas de Libert IV, mayeur du pont d’Amercoeur, 1696 »

Dans le fond à gauche, nous découvrons une crucifixion : le Christ entouré des deux larons (fin XVIIe siècle).

On raconte que, lorsque le baron de Rosen, seigneur d’Evegnée de 1753 à la révolution, grand bienfaiteur de la chapelle, y entra pour la première fois, il vit cette peinture sur l’autel et elle lui déplut parce que la vierge n’y figurait pas. Il la remplaça par la toile actuelle qu’il jugea plus heureuse.

Sur les dalles en pierre bleue, les bancs en chêne sculpté, de la fin du XVIIe siècle, début XVIIIe, ont été restaurés et élargis.

Sur deux des prie-Dieu, on peut lire « Ce siège appartinant à Monsieur Loneux, vicaire de Mélent 1714 » et d’autre part « Ce présent sciège est appartinant Warlimont mambour 1714 »

Un des bancs est orné, à l’appui extérieur, des sept boules de la couronne du baron, signature du baron de Rosen.

Le triptyque

Lors de la restauration, on a découvert deux petites peintures sur les traverses inférieures des bancs. Elles sont décorées recto-verso et on y distingue les découpes des mortaises, ce qui laisse supposer qu’elles pourraient provenir d’un triptyque. Elles mesurent approximativement 8 cm sur 30 cm et semblent dater du XVIe siècle. C’est Saint-Marc et la Vierge qui y sont représentés.

La chaire de vérité

En chêne, ornée de dorure, la chaire de vérité date de la première moitié du XVIIIe siècle.

Le banc de communion et les stalles

Le banc de communion et les stalles du chœur datent de la reconstruction en 1695.

L’autel

L’autel (le grand autel) de la fin du XVIIIè siècle est de style classique avec des colonnes à chapiteaux ioniques. Il est surmonté d’un fronton cintré, avec le monogramme de Marie peint sur un cartouche couronné.

Les deux angelots (début XVIIIè siècle) qui, de part et d’autre, brandissent des palmes proviennent de l’ancienne chapelle de Tignée démolie vers 1870. Ils ont été restaurés anciennement, notamment les mains de l’un d’entre eux rongées par les vers du bois.

La crucifixion en toile de fond est de l’école liégeoise du XVIIIè siècle, don du baron de Rosen. Elle représente autour du Christ, la vierge et Marie-Madeleine. Les visages pourraient bien être des portraits contemporains.

Le devant de l’autel ou antependium est peint, avec médaillon la Vierge à l’Enfant, dans un décor de rinceaux de fleurs. Il est l’un des nombreux dons du Baron de Rosen.

Au-dessus des portes de la sacristie, les deux niches Louis XIII à coquilles avec des motifs végétaux abritent deux petits anges adorateurs fort appréciés pour leur grâce et leur expression.

La pierre d’autel pourrait, d’après la taille grossière de sa surface, être un reste de l’édifice précédent daté du XIIIè ou XIVè siècle.

Le plafond du chœur

Le plafond du chœur représente la vierge Magnificat de Tignée (attribuée à Delcour) couronnée par deux anges et entourée par un chœur d’angelots.

De part et d’autre, on peut observer les armoiries du Pape Pie XI et de Monseigneur Kerkhorfs.

Cette peinture, exécutée vers 1925 par J. Cambresier, a été offerte en grande partie par Catherine Scuvée d’Ayeneux, qui fut pendant vingt ans, maîtresse de coupe à l’école d’Evegnée et par la famille Kremer-Rutten.

Plusieurs têtes d’anges sont des portraits d’enfants du village de l’époque. On y reconnaît les visages des nièces de l’abbé Mélon : Anne-Marie, Marthe et Madeleine Mélon et celui de Victor Detrembleur et des enfant Weertz.

Le plafond de la nef

Le plafond de la nef est orné, dans des caissons délimités par des poutres restaurées entre 1919 et 1925 par les menuisiers Habray et Franck de Bellaire, de peintures en style Louis XIII exécutées vers 1925 par J. Cambresier et offertes par de généreux donnateurs.

Les peintures du milieu, plus grandes, rappellent les autres grandes pratiques de dévotion à la Vierge :
  1. Le Saint Rosaire : la Vierge à l’Enfant remet le Saint Rosaire à Saint Dominique.
  2. La Reine des cœurs ou le Saint esclavage de Louis Marie Grignon de Montfort.
  3. La Médaille miraculeuse.

Les huit autres peintures sont des invocations des litanies de Lorette qui se prêtaient à une reproduction picturale.

De gauche à droite, de l’autel vers le porche :

  1. Vase honorable, don de Melle Victorine Massart
  2. Le Saint Rosaire, don de la famille Mélon-Petit
  3. Rose mystique, don de Melles V. et H. Hompesch
  4. Trône de sagesse, don de Melle Catherine Etienne
  5. Saint esclavage, don de la famille Auguste-Bière
  6. Arche d’alliance, don de Melles M. et J. Chèvremont
  7. Tour d’ivoire, don de Melle Marie Lewalle
  8. Saint Scapulaire, don de la famille Massart-Massart (photo ci-contre) Grands parents de l’actuel président du Conseil de Fabrique.
  9. Maison d’or, don de la famille Chèvremont-Bony
  10. Miroir de justice, don de la famille Dernier
  11. Médaille miraculeuse, don de la famille Bony-Demonceau
  12. Porte du ciel, don de la famille Weertz-Denis
Vierge du XI è siècle dite « Sedes Sapientiae »

Retrouvée au jubé de la chapelle par M. le Curé Van Strydonck vers 1909, elle fut déposée par ses soins au musée diocésain, sur les conseils de M. l’abbé Galand, doyen de Soumagne et de M. le Juge Jamsin de Fléron. Toutefois, la Fabrique d’Eglise de Tignée-Evegnée en est restée propriétaire : l’acte de reconnaissance de propriété a été signé le 1er juin 1949 par le Vicaire Général de l’époque, MONSEIGNEUR Van Zeulen. Cette exceptionnelle représentation de la Vierge date de 1050 environ. C’est une des plus anciennes « Sedes Sapientiae » du pays, une vierge dite « en majesté » d’une valeur archéologique inestimable.

Le comte de Borghrave d’Altena la décrit remarquablement : « Conçue pour être vue de face, elle obéit à la loi de frontalité (comme beaucoup de statues archaïques de l’Antiquité). Elle semble prolonger le siège qu’elle occupe pour servir de support presque matériel à l’Enfant, Dieu et Roi.

Siège de la Sagesse, elle porte le Maître du monde ; son corps massif n’est détaillé qu’un surface ; la tête est énorme, le masque fermé, l’expression boudeuse, les yeux fixes, le regard porté loin. Jésus est placé dans l’axe central du groupe, il se présente lui aussi strictement de face, il a les jambes longues démesurément ; adulte en miniature, il bénit de la main droite et serre contre lui un livre de la gauche. Le sculpteur n’a pas su dégager les bras du torse et a modelé ses membres en faible relief. Cette manière de sculpter révèle des inexpériences de métier, il s’agit d’un sculpteur qui s’efforce de transposer dans l’espace et selon trois dimensions un modèle dessiné ou figuré en relief atténué ; cependant, comme l’œuvre est hiératique (5) et ne manque pas de style, on ne peut admettre que nous avons affaire à un artisan rural copiant gauchement un travail supérieur au sien… »

Confinée au Musée d’Art Religieux et d’Art Mosan d’où elle n’est sortie que pour quelques expositions prestigieuses à l’étranger, la « Sedes Sapientiae » a exceptionnellement réintégré la Chapelle le jour de son inauguration après sa restauration en 1992. Dès le lendemain, elle sera à nouveau présente de façon permanente dans la Chapelle grâce à une copie en céramique polychromée, œuvre du sculpteur Noël Randaxhe.

La vierge miraculeuse du XIII è siècle

La statue a dû être sculptée pour la nouvelle chapelle dont la construction date de la fin du XIII è siècle mais des spécialistes la datent du XIVe, certains descendent même jusqu’au XVe siècle.

C’est M. le Curé Mélon, récemment arrivé dans la paroisse en septembre 1918, qui la fit remettre en état et en restaura le culte qui avait été interrompu.

Lisons encore le comte de Borchgrave :

« La seconde madone d’Evegnée est représentative d’un autre type d’images en l’honneur de la Vierge Marie. Autant la première est primitive, abstraite et lointaine, autant celle-ci révèle des sentiments plus humains.

Il ne s’agit cependant pas déjà d’une madone bourgeoise, d’une de ces douces mamans comme nous en montreront nos « primitifs » peintres et sculpteurs, lissiers et brodeurs, verriers et orfèvres ; nous avons devant les yeux une princesse fière de présenter à la foule son Enfant. Comme les statues des portails des cathédrales, Marie a une pose détendue. Jambe gauche portante, la droite libre, la ligne générale est sinueuse sans outrance. Un voile, arrêté aux épaules, couvre la tête ; un manteau formant tablier sur le devant cache en partie la robe souple, serrée à la ceinture ; un cordon relie le manteau.

Familièrement, la Vierge tend la main droite vers le pied gauche de l’Enfant-Jésus ; ce dernier bénit et on reconnaît encore en lui le petit Dieu de la statue primitive. »

Haute de 95 centimètres, Notre-Dame d’Evegnée porte l’Enfant sur le bras gauche, la main droite soutient gracieusement le pied de Jésus. Ce geste très simple et très maternel, souligné par les plis du manteau, donne à la statue beaucoup de naturel.

Elle est vêtue d’une tunique drapée « à la grecque ». Son déhanchement est peu accentué. C’est le commencement d’un geste qui sera exagéré aux siècles suivants. Les cheveux ondulés et retenus par un voile blanc sont cerclés de la couronne royale. Le profil de la Vierge est plein de finesse et son sourire, à peine ébauché dans un visage peu animé, annonce les vierges postérieures au minois souriant. Son regard lointain ne fixe pas les fidèles, mais semble se perdre dans une profonde méditation. Si les deux vierges témoignent de la continuité d’un dévotion fervente, l’une nous fait remonter à des temps primitifs et rudes, l’autre à une époque plus polissée et courtoise

Le jubé

Outre la solide charpente, on remarque les traces de deux arcs romans découverts lors de travaux de restauration.


La tour et les cloches

La tour abrite deux cloches.

La plus grosse (180 kg) sonne le mi. Elle fut fondue en 1908 par Sergeys qui utilisera la plus ancienne de 1776 qui était fêlée. Elle a pour prénom Marie et ses parrain et marraine sont M. et Mme Bony-Derkenne. La plus petite s’appelle Catherine comme le montre l’inscription en caractères ogivaux qu’elle porte « Nomen meum Catharina est ». Elle date du XVIe siècle (ce serait une des plus anciennes de Belgique), pèse 100 kg et sonne le fa.

Depuis la restauration de la chapelle en 1992, les habitants peuvent à nouveau entendre le son des cloches dont le mécanisme a été remis à neuf et le fonctionnement programmé électriquement.


Index


(1) Tuffeau : Variété de tuf calcaire poreux et tendre, qui durcit à l’air, et est utilisé dans la construction.

(2) Bâtière (toit en) : Toit à deux pentes.

(3) Jean de Monfort : Jean Bastin ou Jean de Xhéneumont était en 1494 capitaine du château de Monfort-sur-Ourthe. Vers la fin de sa vie, il vint occuper et exploiter une importante métarie (6) qu’il possédait à Evegnée.

(4) Banc de communion : Autrefois, pour recevoir la communion, les fidèles s’avançaient près de l’autel et s’agenouillaient derrière le banc de communion. Le prêtre, resté dans le chœur derrière le banc de communion, passait auprès de chacun porter l’hostie)

(5) Hiératique : Qui concerne les choses sacrées. Arts. : se dit de tout art , de tout style imposé ou réglé par une tradition sacrée.

(6) Métairie : Domaine agricole exploité selon le système de métayage

(7) Métayage : Mode d’exploitation agricole, louage d’un domaine rurale (métairie) à un preneur (métayer) qui s’engage à le cultiver sous condition d’en partager les fruits et récoltes avec le propriétaire.

() Texte fortement inspiré du livret « La chapelle Notre-Dame d’Evegnée », actualisé en septembre 2003.

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